2020 - Morrissey - I Am Not a Dog on a Chain [24-96]
Ce 13e disque solo surprend comme son titre
dès l'entame de «Jim Jim Falls», accrochée à un fil
strictement synthétique, robotique, avant qu'un piano
ne vienne soutenir les exhortations suicidaires du refrain.
Exit les guitares, qui faisaient le gras des récents albums.
Dans ce climat instrumental offensif, Moz pose sa voix
toujours chaude, bien ourlée, aux inflexions si élégantes
qu'elles peuvent décrire une baston en crachant des fleurs.
L'épaisse production de l'Américain Joe Chiccarelli
parvient au délicat équilibre entre ce velouté vocal
et cette nasse musicale tourmentée ou luxuriante
dans laquelle le chant pourrait si facilement se noyer.
L'absence à la composition de Boz Boorer, fidèle guitariste
depuis 1991, peut expliquer cet étrange attelage
de chansons rock jouées sur des bases presque
exclusivement synthétiques, au point de sonner comme
Soft Cell sur «Once I Saw the River Clean».
Le pari est osé, il fonctionne de manière magistrale
quand explose «Bobby, Don't You Think They Know»,
hommage à la Motown assis sur un groove incroyable,
des saxophones retors et la voix mordante de Thelma Houston.
Il patine un peu plus sur d'autres cocktails moins équilibré
- le crooning dégingandé de «The Secret of Music», par exemple.
Mais l'incomplétude est une constance de l'oeuvre de Morrissey,
qui a remplacé la quête de la perfection (que chacun lui accorde
dans au moins deux albums des Smiths) par une production
régulière et continue, que même le cancer n'a pu stopper.
A ce titre, «I Am Not A Dog On A Chain» est
une brique de plus dans le mur massif, recouvert de roses
et de fil barbelés, que Steven Patrick Morrissey
édifie patiemment entre lui et le monde.