Maid de Molly Smith Metzler [NETFLIX@1080P / Dolby surround 5.1]
C’est la meilleure série de ces derniers mois,
elle vient de piquer le titre de la mini série
la plus regardé sur NETFLIX au "jeu de la dame".
Maid n’est pas le genre de série
dont on ressort indemnes, le cœur léger.
Portée par Margaret Qualley, qui nous avait déjà fait
forte impression dans la série The Leftovers, et
Andie MacDowell (Sexe, mensonge et vidéo palme d'or 1989)
sa mère dans la vie et qui reprend ce rôle dans la série.
Maid est une mini série de 10 épisodes
créée par Molly Smith Metzler,
qui l’a adaptée des mémoires de Stephanie Land,
Maid: Hard Work, Low Pay and a Mother’s Will to Survive, publiées en 2019.
L’autrice y raconte une période particulièrement dure de sa vie,
quand elle était une mère au foyer dans la vingtaine,
séparée du père de sa fille, et travaillait comme femme de ménage
pour subvenir à leurs besoins.
Elle a vécu pendant un temps sous le seuil de pauvreté,
survivant d’aides sociales, de son travail physiquement éprouvant
et mal payé, trouvant refuge dans des centres d’hébergement
d’urgence pour les personnes SDF.
Très bien reçu par la critique, ce livre autobiographique
constitue un témoignage édifiant sur la façon dont
la société abandonne les personnes pauvres,
dont les mères célibataires.
L’adaptation en série s’avère tout aussi saisissante.
À partir du moment où Alex fuit en pleine nuit avec son enfant
sous le bras, pour échapper à une relation abusive
et des violences conjugales, elle s’enfonce dans la pauvreté
et dans un cycle infernal où, à chaque éclaircie,
elle se retrouve tirée à nouveau vers le bas par les circonstances
et des proches instables.
Si on n’est pas loin, par moments, de tomber dans un récit misérabiliste
(Alex enchaîne les galères à un rythme très soutenu,
qui a de quoi faire hurler devant son poste),
Maid évite en vérité cet écueil, en restant collée au ressenti de son héroïne.
Sa mise en scène dynamique et créative illustre
avec à-propos les états d’âme d’Alex :
il y a l’affichage en haut à droite de l’écran des sous qu’il lui reste
quand elle touche un salaire ou une aide, ou des employés
des services sociaux qui la noient sous une paperasse impossible à remplir.
Quand elle se retrouve piégée avec Sean, son désarroi et isolement
se traduisent par des plans où elle est recroquevillée au fond d’un puits,
ou un autre où elle se fait avaler par son canapé
(car elle a juste envie de disparaître).
Dans un style moins déprimant, quand la jeune femme
s’autorise à ressentir du désir pour un ami
qui a tout du prince charmant, le voilà torse nu en train
de maîtriser un cheval avec un chapeau de cow-boy.
Ce procédé à la Ally McBeal (une des premières séries
à apporter ce genre d’illustrations surréalistes
pour mieux nous faire comprendre ce que ressent son héroïne)
allège une série qui brasse des thèmes sociétaux
aussi lourds que nécessaires à aborder.
À l’intersection des luttes de classe et féministes,
Maid a le grand mérite de démystifier l’image
qu’on peut se faire des violences conjugales
si on n’y a jamais été confronté·e·s, de près ou de loin.
La série s’évertue à répondre à la fameuse question simpliste
que le quidam se pose :
"Elle n’avait qu’à partir, pourquoi elle n’est pas partie ?"
Une question de "bon sens", mais qui exclut totalement
les mécanismes insidieux des violences conjugales,
l’enfermement et la violence psychologique,
la dépendance financière dans laquelle ces femmes
se retrouvent enfermées, et le paramètre humain tout simplement.
En dépit de son happy end presque surréaliste,
Maid ne raconte pas l’histoire américaine du "quand on veut, on peut",
plutôt le combat d’une femme pour gagner son indépendance.
Et dans la mesure où le pouvoir financier est détenu en majorité
par les hommes, ce n’est pas une mince affaire.
On suit cette lutte à travers les yeux d’une Margaret Qualley
bouleversante, absolument de tous les plans.
Elle en dit tant – la stupeur, la peur, l’état de sidération
duquel elle sort peu à peu – rien qu’avec avec ses yeux et ses expressions.
Depuis neuf semaines déjà, Maid truste tranquillement,
sans faire autant de bruit qu’un Squid Game, le top 10 Netflix
d’une quarantaine de pays.
La moitié d’entre eux se trouvent en Europe.
Ce récit puissant m’a prise aux tripes.
Il dénoue les mécanismes des violences conjugales
et familiales avec brio.
Simplement, Maid ne devrait pas être le seul récit de ce genre à exister.
Les dix épisodes de Maid sont à découvrir sur Netflix.