2022 - Fontaines D.C. - Skinty Fia [24-96]
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Leurs deux premiers albums – Dogrel en 2019
et A Hero's Death en 2020 – les ont solidement vissés
sur le trône du rock contemporain.
Skinty Fia enfonce un peu plus la couronne sur la tête
Pourtant, ce troisième album ne modifie à première vue
pas vraiment l’ADN du quintet ancré dans un post-punk lettré
et porté par la voix reconnaissable entre mille
du charismatique Grian Chatten.
Une pandémie est certes passée par là mais les Dublinois
continuent de marteler les mêmes phrases, de faire tourner
les mêmes lignes de basse en boucle et à invoquer mal-être intérieur,
relations chahutées et questionnement sur l’identité irlandaise.
C’est cet acharnement cher à Fontaines D.C. qui est toujours aussi fascinant.
L’hypnose est constante.
Finalement, le grand changement est porté par Chatten,
plus massif que jamais.
Les mots qu’il scande, les textes qu’il vomit, les verbes qu’il malaxe,
toute cette littérature unique, cette poésie au vitriol
qui agrippe les tripes, aident le jeune groupe à couper le cordon
avec ses aînés chéris (The Fall, Joy Division, Gang Of Four, Public Image Ltd.)
pour mieux imposer sa singularité…
Désormais Londonien, Grian Chatten a déjà le blues de son Dublin natal.
Une nostalgie précoce qui se mêle à l’immuable antagonisme
Irlande/Angleterre qu’il chante dès le In ár gCroíthe go deo d’ouverture.
L’histoire d’une mamie irlandaise exilée à Coventry et dont la dernière volonté,
faire graver sur sa tombe en gaélique « In ár gCroíthe go deo »
(Dans nos cœurs à jamais), lui sera refusé par l’église anglicane !
Sur le glaçant The Couple Across The Way, Chatten adosse simplement sa voix
contre un accordéon minimaliste pour évoquer l’usure du couple.
Avec Nabokov (encore une référence littéraire !),
il affiche un radicalisme presqu’hardcore.
C’est tout ce violent torrent émotionnel hérité de la folk des anciens
mais viscéralement rock dans les oreilles qui fait de Skinty Fia un chef d’œuvre.