2022 - Ibeyi - Spell 31 [24-96]

Entre beats électro et dépouillement acoustique,

"Spell 31", l'envoûtant troisième album des jumelles

franco-cubaines, nous soumet à ses sortilèges néo-soul.

Pour comprendre Spell 31, le titre donné à l'album d'Ibeyi,

il faudrait presque dérouler un papyrus

du Livre des morts des Égyptiens anciens.

Il fait référence à un sort repoussant les crocodiles

venus retirer l'âme d'un défunt.

Si cet esprit protecteur plane sur leurs chansons

et que leurs voix ont une solennité hors du temps,

leurs thématiques s'inscrivent pourtant bien dans le présent,

quand le son nous donne une vision du futur parfois électrique,

parfois du plus grand dépouillement.

Le duo formé par Lisa-Kaindé et Naomi Diaz reprend aussi

le texte de l'hymne Rise Above des punks américains Black Flag,

dans le même esprit de résistance qui caractérise ce titre phare.

Elles ont désormais 27 ans, comptent Beyoncé

parmi leurs adoratrices et, comme sur leur premier album

sorti alors qu'elles n'avaient que 18 ans,

leur musique s'inspire toujours des chants yorubas,

en hommage à leurs ancêtres du continent africain.

Si elles semblent être fusionnelles vocalement,

elles travaillent pourtant séparément :

l'une sur les textes, l'autre sur la production

avec le réalisateur Richard Russell.

Elles créent de l'espace pour leurs invité·es,

parmi lesquel·les la Britannique Jorja Smith

mais aussi Berwyn, rappeur de Trinité-et-Tobago.

Sur l'émouvant Sister 2 Sister, elles reviennent

sur leurs souvenirs d'adolescentes,

celui d'avoir chanté ensemble sur du Shakira

mais aussi celui de s'être prêté leur épaule

pour des cascades de larmes.

Leur titre Made of Gold, avec un featuring

du rappeur anglais Pa Salieu,

est bien ancré dans notre époque,

pour une transe spirituelle,

avec cette alliance de douceur et de puissance.

Leurs harmonies vocales et leurs textes

invoquent une magie qui finit par opérer,

avec des voix très proches de nous,

parfois chuchotant à côté d'une guitare,

mais plus souvent intensifiées

par des percussions, des tintements électroniques

qui jouent avec les échos…

De quoi faire fuir tout reptile à dents pointues

qui oserait troubler leur solidarité.